La pandémie marque le grand retour des agences matrimoniales
Les entremetteurs professionnels voient rajeunir leur clientèle, des déçus des applis de rencontres.
Publiée le jeudi 15 avril 2021 à 09h25
Article rédigé par Juiette Chaignon
Elite Connexion, l'agence matrimoniale haut de gamme de Guerda de Haan, vise un public aisé. Implantée à Bordeaux depuis six ans, elle voit son activité décoller au gré des déconfinements. "C'est de la folie, je n'arrête pas !", lance Guerda de Haan, avant de monter dans le TGV, direction Paris, où son agence officie depuis 2006. Jamais elle n'avait enregistré "un tel chiffre d'affaires au mois d'avril". Bilan de l'année : un tiers de clients gagnés, deux conseillers embauchés pour former une équipe de cinq, face à un rythme "impossible à suivre, sinon".
A Bordeaux, deux agences plus accessibles financièrement font le même constat. Chez Véronique de Val, conseillère indépendante, la liste des adhérents a grossi de 40%. Valérie Maury et Richard Mauvoisin, de l'agence Unicentre, en refusent faute de temps. Ils s'occupent de 300 à 400 clients par an.
Les 30-45 ans les découvrent en ligne, loin des petites annonces visant leurs ainés dans les journaux
Le confinement a été un déclic pour ces célibataires. "Beaucoup s'inscrivent, car ils ont mesuré la solitude" pendant le confinement, analyse Véronique De Val. Christophe, 39 ans, confirme. Il y a près d'un an, ce Bordelais a signé un forfait classique, il passe ses journées "100% en télétravail" : "Eteindre l'ordinateur le soir et s'apercevoir qu'on est seul à la maison, ça pèse". La famille n'habite pas loi, les amis avec qui faire des soirées "dans le respect du couvre-feu", non plus. Mais avec des sorties moins fréquentes, la solitude devient lourde, l'envie de rencontrer quelqu'un "pour partager" plus pressante.
A l'agence Unicentre, les demandes des 30-45 ans explosent. D'habitude, Valérie Maury roulait jusqu'à des endroits isolés, en Charente ou dans les Landes, pour rencontrer des clients de plus de 55 ans. Depuis mai 2020, elle s'étonne des appels de trentenaires et quadragénaires "deux à trois fois par semaine". C'était "à peine un par mois" auparavant. Rien que cette semaine, trois personnes intéressées l'ont contactée : 30, 40 et 41 ans. "On sent une vraie détresse sentimentale" chez ces jeunes urbains, souligne Richard Mauvoisin. L'agence sont à rappeler les trentenaires qu'elle refusait auparavant, de peur de ne pouvoir leur trouver de moitié.
Les agences matrimoniales n'ont pas toujours su charmer les célibataires, Valérie Maury a commencé en 2006, à la fin "des années folles" du secteur. Après "un gros creux", l'entremetteuse a proposé à Richard Mauvoisin de s'associerà elle fin 2019. Il a lâché son activité pour se lancer, flairant un regain d'intérêt pour des rencontres plus authentiques. "Les recettes de grand-mère sont à la mode", commente-t-ill. Fini, d'après-lui, la réputation "taboue" et ringarde des agences matrimoniales. Les 30-45 ans les découvrent en ligne, loin des petites annonces visant leurs aînés dans les journaux. Puis cette génération est habituée à passer par un intermédiaire pour trouver l'amour : les sites et applis de rencontre.
Véronique De Val "récupère" ainsi "les déçus d'internet". Près d'un Français sur trois y possède un compte. Le taux a grimpé de deux points après le confinement, pour atteindre 31% en octobre 2020, contre 26% en 2018, d'après un sodage Ifop publié en décembre 2020. Les célibataires (ou non) d'internet navigeuent entre faux profils et décalage d'attentes : en ligne, 73% des homme déclarent à l'Ifop chercher une "aventure purement sexuelle", les femmes, pour 67% d'entre elles, une relation sérieuse. Il faut croire que Christophe ne les a pas croisées sur internet, lui qui "cherche du solide", "durable", comme la plupart des clients d'agences matrimoniales.
Depuis un mois, ces agences ne peuvent recevoir de public à cause des consignes sanitaires. Pas de rencontre des clients en chair et en os, seulement la possibilité d'avancer ses dossiers et de passer des coups de téléphone. Dans l'agence Unicentre de Bordeaux, ils une cinquantaine à attendre ainsi le 19 mai pour singer leur contrat. Et la levée des restrictions leur permettra peut-être de conclure leur rencard après une séance de cinéma, plutôt qu'à 19 heures, devant un repas à emporter.